En apparence stable, les rivières sont des milieux hétérogènes, dynamiques et mobiles dans l’espace et dans le temps. Naturellement l’eau érode les berges et dépose les matériaux au gré des courants. Ainsi, au fil des siècles et des crues, un cours d’eau se déplace lentement dans sa vallée et modifie le paysage. Le respect de cette dynamique est à la base des services rendus par les écosystèmes : régulation des inondations, biodiversité,…

Les rivières ont depuis toujours favorisé l’installation des hommes. Ces derniers les ont aménagés pour s’en protéger ou pour s’en servir. Les aménagements, bien souvent, entravent la dynamique naturelle des cours d’eau.

Les premiers syndicats hydrauliques ont vu le jour au lendemain de la seconde guerre mondiale afin de limiter l’impact des crues et d’assainir les lits majeurs (zones humides) pour favoriser l’agriculture. C’est alors que de nombreux cours d’eau ont vu leur morphologie considérablement modifiée suite à des travaux de recalibrage, rectification de méandres ou de sinuosités.

Il résulte de ces travaux, auxquels s’ajoutent les multiples modifications du territoire des 50 dernières années (urbanisation, pratiques agricoles, remembrement…) un dysfonctionnement du milieu naturel dont les conséquences s’étendent au-delà de la dimension de l’écosystème aquatique.

Outre la dégradation de la qualité de l’eau (réchauffement, baisse du taux d’oxygène, enrichissement en matières nutritives,...) et des habitats (homogénéité des faciès d’écoulement et des substrats, absence de végétation rivulaire et habitat en berges), ces modifications sont aussi à l’origine des dysfonctionnements hydrauliques : accélération des écoulements et de la montée des eaux en période de fortes pluies, évacuation plus rapide des eaux vers l’exutoire et vers l’aval, rendant ainsi beaucoup plus fréquents les débordements., tout comme des assecs plus sévères en période estivale.

La gestion de l’eau est complexe de par la multitude d’acteurs concernés par une même rivière. Depuis longtemps, le législateur a tenté de cadrer cette gestion par la mise en place d’une règlementation qui n’a cessé d’évoluer.

La gestion de l’eau en France : 2 siècles d’histoire du droit d’eau

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Les textes clés et leurs impacts :

1964 : Loi du 16 décembre : naissance des Agences de l’Eau et des comités de bassin

L’apparition de préoccupations environnementales dans le droit de l’eau français apparaît avec la loi du 16 décembre 1964. Cette loi crée les agences de l’eau et les comités de bassin et introduit le principe pollueur-payeur. Par ailleurs, pour la première fois dans l’histoire administrative française, une entité naturelle, le bassin hydrographique, correspond à une circonscription administrative.

Le premier article de la loi laisse apparaître que le fil conducteur du texte est de « lutter contre la pollution » pour satisfaire ou concilier les exigences de l’alimentation en eau potable et la santé publique en premier lieu, de l’agriculture, l’industrie, les transports, et toute autre activité humaine d’intérêt général ensuite, et enfin aux exigences de la vie biologique du milieu récepteur…

L’ordre dans lequel apparaissent ces préoccupations est significatif de l’approche de la gestion de l’eau de l’époque. La loi de 1964 a eu pour objectif principal la satisfaction des usages, celle-ci ne devant toutefois pas nuire aux milieux aquatiques.

1992 : Loi sur l’eau : prise en compte des écosystèmes aquatiques

Cette loi modifie profondément les principes de gestion de l’eau en prenant en compte les milieux aquatiques. Elle affirme dans son article 1er que "l’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, est d’intérêt général". Elle définit dans son article 2 la notion de "gestion équilibrée" de la ressource en eau. Les principes de gestion de l’eau intégrés à cette loi affirment que la préservation des milieux aquatiques est un préalable nécessaire à la satisfaction des usages.

2000 : La Directive Cadre sur l’Eau (DCE), le bon état des eaux devient un objectif européen

La gestion de l’eau n’est pas une préoccupation uniquement française. Depuis longtemps impliqué dans cette démarche, la politique française a inspirée en partie la directive cadre européenne sur l’eau (2000/60/CE), communément appelée DCE, adoptée le 23 octobre 2000 par le Parlement européen et le Conseil.

L’Europe, avec cette directive, établit un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau. Elle fixe un objectif de "bon état" des différents milieux aquatiques. Ce bon état écologique est défini à l’aide de paramètres physico-chimiques et biologiques. La directive cadre définit des échéances pour atteindre le "bon état" des eaux : 2015, 2021 ou 2027. Elle s’applique à tous les milieux (cours d’eau, lacs, eaux souterraines, eaux côtières…) et prend en compte toutes les composantes de la “qualité” dans ses aspects chimiques, biologiques, hydrologiques, physiques…

2006 : LEMA et Lois Grenelle, des outils concrets pour le « bon état » et la continuité écologique.

Avec la loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 (LEMA), la France s’est dotée de nouveaux outils réglementaires permettant d’améliorer :

  • La lutte contre les pollutions, qu’elles soient ponctuelles ou diffuses ;
  • La gestion quantitative de l’eau en favorisant les économies d’eau, le partage de la ressource ;
  • La restauration du bon fonctionnement des milieux aquatiques (débit réservé, circulation piscicole, transit sédimentaire, etc.).
  • Les lois Grenelle du 3 août 2009 et du 12 juillet 2010 affirment la nécessité de préserver la continuité écologique avec les trames vertes et bleues.